La Découverte

En octobre 2015, je recherchais une alliance perdue quelques temps plus tôt dans la zone de baignade du lac de Léon (Landes). Cette recherche s’inscrivait dans le cadre de l’opération « Objets Perdus » que notre association (Amicale Détection Landes-Gascogne) met en place tous les ans sur le littoral landais en coopération avec les mairies, les postes de police et des sauveteurs des plages landaises.

En plein milieu de la zone de bain, dans 70 cm d’eau, mon détecteur a capté un signal faible m’indiquant la présence d’un objet en métal noble.

En fait, ce signal que je pensais provenir d’un objet de petite taille en surface, était dû à un objet plus volumineux en profondeur. A l’aide de mon extracteur, j’ai commencé à creuser et alors que je « touchais » un objet au fond du trou à plus de 40 cm, le manche en bois de mon extracteur a cassé ! J’ai pointé la zone au Gps pour pouvoir y revenir une fois la réparation effectuée. Deux jours plus tard, ayant repris l’extraction, j’ai eu la surprise et l’émotion de voir dans mon extracteur un objet en bronze que j’ai tout d’abord pris pour un coin de bûcheron ! Mais il n’en était rien, c’était bien une hache en bronze très ancienne. Dans le trou, mon détecteur m’indiquait la présence d’autres éléments du même type. La curiosité m’incitait à poursuivre mes recherches mais vu l’importance de la valeur archéologique de cet objet, il était plus sage de laisser ce lieu en l’état et de prévenir les services compétents. Alors que je rebouchais sommairement le trou, je me suis aperçu que j’avais sorti sans m’en rendre compte une autre hache, identique, qui reposait sur le tas de sable extrait. J’ai récupéré les deux objets et continué mes recherches de l’alliance. Et chose incroyable ce jour-là, à 40 mètres de cette première zone et deux heures et demie plus tard, j’extrayais une autre hache identique, à moindre profondeur. Mon détecteur m’indiquait encore que d’autres objets métalliques étaient présents dans ce deuxième trou. Là encore je rebouchais sommairement le trou après avoir pointé la zone au GPS.

La déclaration

En tant que président de l’ADLG, j’entretiens d’excellents rapports avec les services archéologiques de Bordeaux. Le soir même je contactais mon interlocuteur pour l’informer de la découverte et lui demander la marche à suivre pour faire une déclaration officielle. J’avais joint quelques photos des haches. Le conservateur responsable des Landes me confirmait alors la valeur archéologique de cette découverte et validait ma proposition de protéger les deux sites à l’aide « d’écrans » tout en me demandant d’effectuer auparavant quelques mesures de profondeur et des photos du site.

La sécurisation du site

Des plaques en béton armé immergées juste au-dessus des dépôts et recouvertes de sable feront office d’écrans pour d’éventuels chercheurs équipés de détecteurs et sans danger pour les baigneurs. L’opération de sécurisation des 2 sites a pu s’effectuer la semaine suivante avec l’aide de Thierry, un ami et membre de l’association.

Les 3 premières haches découvertes

Les trois haches, ainsi qu’un rapport, ont été remis au Service Régional de l’Archéologie de Bordeaux. Cette découverte a été classée « découverte fortuite » et un document officiel a été établi

La surveillance du site

Grâce au positionnement Gps, j’ai pu effectuer une surveillance régulière et discrète de la présence des plaques. En début de chaque saison estivale, avec l’aide des services techniques de la commune, je positionnais sur le dépôt n°2, un plot de maintien de la ligne d’eau qui passait juste au-dessus, une sécurité supplémentaire !

La première intervention des archéologues

La première intervention des services archéologiques n’a pu avoir lieu qu’en décembre 2017. Lors de cette intervention, après dégagement de la plaque en béton, les archéologues ont aspiré les sédiments et ont pu extraire un premier niveau où 5 haches étaient présentes.

Tous les membres de l’association étaient conviés à ce moment historique !

En poursuivant leurs recherches, les archéologues plongeurs ont pu extraire un deuxième niveau avec 10 haches et enfin en dessous 13 autres

Le niveau 1 et une partie du niveau 2

Plusieurs milliers d’années qu’elles n’avaient pas vu la lumière

Opération de récupération dans le dépôt n°1 du 3ème niveau (13 haches !)

Quelques céramiques sont récupérées en sortie de la « suceuse » pour étude

Ce premier dépôt contenait donc 30 haches qui ont été emportées pour stabilisation et étude.

Une équipe heureuse du résultat devant une partie des haches extraites.
Une belle collaboration entre utilisateur de détecteurs de métaux et archéologues !

Intervention du SRA pour évaluation du dépôt n°2

Le 3 mai 2018, le Service Régional de l’Archéologie de Bordeaux revient sur site pour effectuer une évaluation sur le dépôt n°2. Un pointage GPS précis est réalisé sur les deux zones ainsi qu’un relevé bathymétrique dans la zone de bain. La plaque de protection du dépôt n°2 est retirée et les sédiments en surface sont dégagés afin de voir combien de haches sont présentes. La plongeuse du SRA, Vanessa, comptabilise 6 haches (dont 5 avec le tranchant en haut). Un croquis est réalisé, puis une couche de sable est remise sur les haches ainsi que la plaque de protection. Une autre couche de sable à niveau recouvre le tout

Schéma réalisé par la plongeur Vanessa

Intervention du SRA pour un relevé sonar de certaines zones du lac

Le 1er octobre 2018, le SRA réalise des relevés bathymétriques sur le lac. L’association, par l’intermédiaire de Thierry, a mis à disposition des archéologues un bateau à moteur pour faciliter l’opération. Au vu des mesures, il s’avère que le lac est fortement colmaté. Deux barques coulées ont été repérées ainsi que de gros poissons, mais rien de significatif présentant un intérêt archéologique.

Réunion du SRA à la mairie de Léon en prévision de l’extraction du dépôt n°2

Le 23 septembre 2021, une réunion à la mairie de Léon acte l’intervention du SRA pour une extraction dite  » en motte » du deuxième dépôt. Cette réunion a pour objectif de finaliser l’organisation logistique et administrative de l’opération qui est programmée pour la semaine du 4 au 8 octobre 2021

Ewen du SRA de Bordeaux, responsable de l’opération, a préparé un dispositif ingénieux pour récupérer, en bloc, l’ensemble du dépôt n°2. Aidé de Raphaël, un test d’enfoncement est réalisé sur la plage avec un fût métallique de 200 litres.

Intervention du SRA du 04 au 08 octobre 2021 pour extraire le dépôt n°2

Le lundi 4 octobre, une équipe de 4 archéologues du SRA arrive sur le site pour extraire le dépôt n°2. Trois membres de l’association prennent part à l’intervention.

Le principe de cette opération est d’envelopper l’ensemble du dépôt : les 6 haches comptabilisées lors de l’intervention en mai 2018 avec d’éventuelles autres haches situées au-dessous. Pour cela, un fût métallique de 200 litres doit être enfoncé par petites rotations jusqu’au niveau inférieur supposé des haches. Puis il faudra glisser une plaque métallique sous ce fût pour emprisonner l’ensemble, les haches avec les sédiments. L’idée est de pouvoir radiographier en laboratoire la disposition des haches tout en analysant les sédiments et les pollens ainsi que les graines datant de l’époque d’enfouissement. Le tout sera remonté avec une pelle mécanique qui devra se rendre jusqu’au lieu du dépôt à 39 mètres de la rive.

Schématisation de l’opération

Après avoir localisé l’emplacement du dépôt nous dégageons la plaque de protection.

Nous indiquons avec précision le point central des haches de la partie supérieure à l’aide d’un pin-pointer étanche.

Le fût est mis en place.

Il est enfoncé par petites rotations de quelques degrés de gauche à droite. Le fût descend parfaitement bien jusqu’à une hauteur de 20 cm au-dessus du sable couvrant les haches. Normalement, s’il y a trois niveaux de haches, comme dans le dépôt n°1, le bas du baril doit se trouver sous ce dernier niveau.

Il est prévu de positionner sous le fût une plaque en fer carrée qui comprend 4 points d’ancrages pour la fixer au bidon afin de bloquer les sédiments et le lot de haches à l’intérieur.

Intervention du SRA le 19 octobre 2021 avec l’aide d’une pelle mécanique

Le mardi 19 octobre la pelle est disponible et entre dans l’eau jusqu’au point du dépôt.

Le pelleteur finit de pousser la plaque sous le fût.

Puis avec beaucoup de précautions, il englobe l’ensemble dans son godet et relève lentement le tout.

Le bloc est transporté délicatement sur la berge où il est déposé sur une palette, puis remisé pour séchage dans un hangar tout proche

Quelques jours plus tard le fût est filmé afin d’éviter que des sédiments ne s’échappent par le bas.

Enlèvement du fût par le SRA

Enfin le 19 novembre 2021, après séchage, le fût a été découpé de sa partie supérieure afin de rentrer dans la voiture du SRA qui le transportera vers Bordeaux pour analyse et étude. Celles-ci ont été confiées à M. Alexis Gorgues (Maître de conférence en archéologie, Université de Bordeaux Montaine, UMR 5607 Ausonius).

Découpe – intérieur du fût – chargement

Conclusion

Après plus de 3000 ans, les haches quittent la commune de Léon avec l’espoir d’y revenir un jour pour le plus grand plaisir du public lors d’une exposition temporaire. Ensuite elles rejoindront le musée d’Aquitaine.

Remerciements

Un grand merci à tous les acteurs de cette aventure, les archéologues du Service Régional de l’Archéologie de Bordeaux, les membres de l’Amicale Détection Landes-Gascogne, le personnel des services techniques et élus de la commune de Léon.